• Adieu l'Artiste

     

     

     

    Guy Bedos, humoriste et comédien

    est mort à l'âge de 85 ans

     

     

     

    Tout son parcours d'artiste engagé, d'éternel révolté,

    puise ses racines dans son enfance algéroise entre un beau père raciste et antisémite et une mère pétainiste :

     

    "Le premier gouvernement que j'ai eu à subir, c'est ma mère et mon beau-père. Ma constance dans la rébellion vient de là."

     

    Il avait fait ses adieux à la scène le 23 décembre 2013 à l'Olympia.

     

     

     

     

    "Une dernière nuit près de toi. Des bougies, un peu de whisky, ta main si fine et féminine qui sert la mienne jusqu'au p'tit jour du dernier jour.

    Ton regard enfantin qui désarme un peu plus le gamin que j'redeviens.

    Au-dessus de ton lit, un bordel de photos, de Jean-Loup Dabadie à Gisèle Halimi, de Desproges à Camus en passant par Guitry.

    Ca ne votait pas pareil, ça ne priait pas les mêmes fantômes, mais vous marchiez groupés dans le sens de l'humour et de l'amour.

     

    Au bout de tes jambes qui ne marchent plus, tes chats - sereins, comme des gardiens.

    Sur la table de nuit, un fond de verre de Coca, ultime lien entre ce monde et toi,

    quelques gorgées de force qui te permettent, du fin fond de ta faiblesse, de nous lancer des gestes d'une élégance et d'une tendresse insolentes.

    Fâché de ne plus pouvoir parler,

    tu envoies des baisers muets à ta femme adorée, à ta fille bien aimée, à la fenêtre sur l'Ile Saint Louis, au soleil que tu fuis.

    Des gestes silencieux qui font un boucan merveilleux dans nos yeux malheureux.

    Tu auras mélangé les vacheries et l'amour jusqu'au baisser de rideau. Les "foutez l'camp" et les "je t'aime". Caresses et gifles jusqu'au bout.

    Incorrigible Cabotin, tu avais bien prévu ton coup :

    dans ton dernier morceau d'mémoire, tu avais mis des "vous êtes beaux, je suis heureux, j'ai de la chance.

    C'est ta mère, là, devant moi ? C'est ma femme ? Oh tant mieux !".

     

    On va t'emmener, maintenant, dans ton costume de scène.

    Celui des  sketches et des revues de presse, des télés et des radios,

    celui qui arpenta la France, en long en large et en travers de la gorge de certains maires.

    J'ai dénoué ta cravate noire.

    On va t'emmener où tu voulais, c'est toi qui dicte le programme, c'est toi qui  conduit sans permis.

    D'abord à l'église Saint Germain, tu n'étais pas très pote avec les religions, mais les églises, ça t'emballait.

    Tu disais "faudrait qu'on puisse les louer pour des spectacles de music-hall, des projections de films, des concerts de poésies".

    Il y aura des athées, plein d'arabes et plein de juifs. Ca aurait consterné ta mère, tu aurais bien aimé que ta mère soit fâchée.

    Puis on t'envoie en Corse, dans  ce village qui te rendait un peu ta Méditerranée d'Alger.

    On va chanter avec Izia et les Tao, du Higelin, du Trenet, du Dabadie et Nougaro. On va t'faire des violons, du mélodrame a capella :

    faut pas mégoter son chagrin, à la sortie d'un comédien.

    Faut se lâcher les bravos et occuper chaque strapontin. C'est leur magot, c'est ton butin.

    D'autant que je sens que tu n'es pas loin... Tu n'es pas mort :

    tu dors enfin.

     

    Nicolas BEDOS"

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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